Quel est le titre du livre ? | Pfeffer, J. et Sutton, R. (2007). Faits et foutaises dans le management (traduit par S. Rolland). Vuibert |
Quel est le sujet du livre ? | Jeffrey Pfeffer est docteur en comportement organisationnel (organizational behavior). Robert Sutton est docteur en psychologie et psychologue du travail. Tous deux sont également professeurs en comportement organisationnel et management à l’université de Stanford. En collaboration, ils ont rédigé ce livre afin de déconstruire plusieurs mythes ou demi-vérités dans le management et appeler à ce qu’ils nomment un management factuel. Ils précisent d’abord ce que serait ce management factuel, par analogie à la médecine basée sur les preuves (evidence based medicine), ainsi que ses freins. Ils invitent les personnes à remettre en question leurs idées reçues, se méfier de ceux qu’ils appellent les « gourous du management » ou des effets de mode managériaux, et à fonder leurs décisions et leurs pratiques davantage sur les données à disposition ou, le cas échéant, à créer les conditions permettant d’exploiter des données factuelles afin de mieux identifier ce que l’on sait, mais aussi ce qu’on ignore. Six thématiques sont ensuite passées en revues pour déconstruire quelques principaux mythes et demi-vérités : – Le travail doit-il être considéré comme fondamentalement différent du reste de nos vies ? – Les meilleures organisations ont-elles les meilleurs collaborateurs ? – Les incitations financières améliorent-elles les performances de nos organisations ? – Est-ce que tout est dans la stratégie ? Quelle bonne place donner à la stratégie ? – Est-il vrai que l’on doit changer pour ne pas mourir ? Comment aborder les changements ? – Les grands leaders contribuent-ils vraiment à la performance de leur entreprise ? N’y a-t-il pas une possibilité de repenser la place du leader selon l’état actuel des connaissances ? Pour chacune de ces thématiques, les auteurs évoquent les données allant dans le sens de l’idée reçue ou de la demi-vérité, mais également contradictoires avec celles-ci et appellent à une position plus mesurée, qu’ils étayent par plusieurs références scientifiques. Pour finir, ils rappellent la nécessité de repenser le rôle et la place du leader et invitent à penser le management factuel non pas comme un ensemble de techniques à appliquer simplement mais davantage comme approche des organisations et du management. Pour ce faire, ils proposent 9 principes : – Considérer son organisation comme un prototype utilisable mais à améliorer en continu par expérimentations, en agissant en fonction des meilleures données disponible à l’instant T et en identifiant comment améliorer nos connaissances et nos données. – Considérer les faits, rien que les faits, même quand ils sont désagréables ou remettent en cause nos idées reçues. – Accepter le bon sens et l’évidence pour notamment : éviter de réinventer la roue et identifier si des données existent sur ce que l’on veut essayer ou développer, éviter de se jeter sur toute nouveauté managériale, comprendre qu’on peut parfois passer à côté d’évidences qui pourtant peuvent être étayées par les données, accepter que des choses parfois insignifiantes et évidentes peuvent avoir un fort impact. – Avoir un regard extérieur sur soi et sur son organisation : cela peut passer par un consultant ou par des tiers chargés de nous challenger, pour limiter certains biais comme l’optimisme excessif, la surévaluation de nos capacités, la minimisation des risques etc. – Considérer le pouvoir, le prestige ou l’égo comme des facteurs de risques (application de croyances ou d’idéologies, refus de reconnaitre les erreurs, refus de management factuel) et favoriser une posture de sagesse. – Considérer que chacun peut appliquer le management factuel : la performance, l’innovation et l’expérimentation ne dépend pas uniquement des hauts dirigeants et chacun à son échelle peut et doit appliquer ces principes et avoir un impact sur l’organisation. – Vendre et mieux vendre le management factuel, en utilisant les mêmes techniques utilisées par les « gourous du management » qui réussissent à vendre les demi-vérités et mythes (rendre la connaissance attractive, incarnée, vivante, pratiquer le story-telling). Toutefois, les auteurs invitent à utiliser ces anecdotes et le story-telling pour illustrer et valoriser les connaissances issues de travaux collectifs, plutôt que prétendre qu’elles sont issues d’une idée géniale d’un héros managérial (à l’inverse de certains conférenciers par exemple). – Ralentir la diffusion des mythes et demi-vérités lorsqu’elles s’imposent, pas tant en désobéissant clairement lorsque les décideurs souhaitent les mettre en œuvre (car risque de perdre notre poste, que notre successeur les applique et que l’organisation soit tout de même impactée) mais en résistant passivement (non application silencieuse, application partielle, ralentir la mise en application). – Utiliser les erreurs comme des révélateurs, ce qui implique d’accepter les erreurs comme inévitable, d’appliquer le droit à l’erreur en les pardonnant mais également d’en tirer des connaissances pour éviter de les répéter. |
Qu’a-t-on particulièrement aimé ? | Tout d’abord, le livre répond à nos différents critères pour être considéré comme un livre de référence : – Il traite bien de son sujet et offre une première approche suffisante. – Le langage est accessible au plus grand nombre. – Les arguments sont sourcés et une bibliographie est présente dans l’ouvrage pour vérifier les informations et compléter la lecture. Nous ajouterons à cela que l’accessibilité du livre est renforcée par le style d’écriture, mêlant connaissances et exemples d’entreprises sous forme d’histoires et d’anecdotes illustrant les faits abordés. Les auteurs appliquent ici l’un des principes proposés dans leur livre. Le fait que les auteurs évoquent les freins au management factuel ou les échecs qu’ils ont parfois pu vivre lors d’interventions pour faire évoluer les mentalités est également rassurant : ils ne vendent pas une approche en prétendant qu’elle est facile, révolutionnaire et miraculeuse mais invitent à la considérer malgré ses difficultés et argumentent en sa faveur. Enfin, il s’agit d’un livre que nous estimons d’une grande utilité. Il pousse à l’esprit critique concernant les pratiques managériales, les effets de mode, les conférenciers et « gourous », l’offre de formation en management et en leadership qui parfois promeut des mythes, des demi-vérités ou des connaissances désuètes. Il invite également à garder un regard critique sur les publications scientifiques qui peuvent exister en faveur de telle ou telle idée en expliquant certains biais méthodologiques qui peuvent exister. Plus qu’un livre nous expliquant quoi penser du management ou de diverses thématiques, il s’agit d’un ouvrage nous invitant à nous questionner, mieux considérer les données à disposition et adopter une posture de sagesse en identifiant ce que l’on sait et acceptant ce que l’on ne sait pas. Un message essentiel. |
Considère-t-on qu’il puisse s’agir d’un livre de référence sur sa thématique ? | Oui. |
Sinon, pourquoi ? | / |
A quel public le conseillerions-nous ? | Etudiants en psychologie du travail et en management, chercheurs et professeurs. Acteurs chargés d’accompagner en interne les décideurs et managers : psychologues du travail, DRH, RRH, formateurs internes, consultants internes en organisation … Managers de différents niveaux hiérarchiques (DG, directeurs, chefs de service, cadres de proximité, chargés de mission, chargés de projet …). Consultants intervenant sur l’organisation ou la stratégie des entreprises ou des administrations publiques. Toute personne intéressée par le sujet. |