La qualité de vie au travail (QVT) est un concept qui s’est peu à peu imposé dans le monde professionnel. Les pratiques des organisations divergent, certaines mettent en place des baromètres, revisitent leur gestion du temps de travail pour se montrer plus flexibles, essaient de développer les ressources humaines, techniques ou organisationnelles pour faire face à la charge de travail, d’autres déploient des séances de sport, des mobiliers confortables pour se détendre ou faire la sieste ou encore des actions de sophrologie, yoga, méditation etc. Devant une telle diversité d’actions valorisées sous le terme « QVT », creusons cette notion et voyons ce qui relève vraiment de la QVT, pourquoi on parle désormais de QVCT et sur quoi agir pour l’améliorer.
Qu’est-ce que la QVT ?
Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), la QVT désigne « sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d’autant plus quand les organisations se transforment ». Elle dépend en outre de « la capacité des salariés à s’exprimer et à agir sur leurs situations de travail pour que chacun réalise un travail dans lequel il puisse se reconnaitre » comme le précise Mélanie Burlet pour le magazine de l’ANACT en 2019.
C’est également la définition retenue par la Haute autorité de santé (HAS) qui indique que la perception qu’ont les professionnels de leur QVT dépend de leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de leur travail.
C’est aussi cet angle qui était choisi dans l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la QVT. Ainsi, elle « vise d’abord le travail, les conditions de travail et la possibilité qu’elles ouvrent ou non de faire du bon travail dans une bonne ambiance, dans le cadre de son organisation. Elle est également associée aux attentes fortes d’être pleinement reconnu dans l’entreprise et de mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle […]. Elle regroupe les dispositions récurrentes abordant notamment les modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail permettant de concilier les modalités d’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise ».
L’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à une prévention renforcée et à une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail rappelle que la QVT regroupe, entre autres, la santé et la sécurité au travail et qu’elle est une des conditions de la performance des organisations. Il rappelle également que l’accord de 2013 reste une référence en la matière même si juridiquement ce dernier a cessé de produire ses effets.
Trouvant ces définitions floues et imprécises, Vincent Jaminon s’inspire de la définition du bien-être au travail en Belgique, la QVT étant un terme peu employé dans ce pays, qui est celle d’une combinaison de domaines traditionnels (sécurité au travail, protection de la santé, hygiène du travail) et de domaines dits neufs (ergonomie du poste de travail, aspects psychosociaux, influence de l’environnement sur les conditions de travail et embellissement des lieux de travail). L’auteur propose de définir la QVT comme un « bien-être perçu individuel et collectif intégrant différents éléments qui « ensemble englobent » les enjeux économiques, notamment de compétitivité (entre autres via les technologies de l’information et de la communication) et de progrès social (amélioration de l’organisation et des conditions de travail) par le développement du dialogue social, en visant l’atteinte de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en favorisant une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle ».
Nous retiendrons donc cette dernière définition en ajoutant qu’elle dépend, comme le précisent l’ANACT et la HAS, de la capacité des salariés à s’exprimer et agir sur le contenu de leur travail et leurs conditions de travail.
Et on agit sur quoi, concrètement ?
L’accord national interprofessionnel précédemment cité liste quelques éléments constitutifs de la QVT :
- La qualité de l’engagement de tous à tous les niveaux de l’entreprise.
- La qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise.
- La qualité des relations de travail.
- La qualité des relations sociales, construites sur un dialogue social actif.
- La qualité des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail.
- La qualité du contenu du travail.
- La qualité de l’environnement physique.
- La possibilité de réalisation et de développement personnel.
- La possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle.
- Le respect de l’égalité professionnelle.
Ces thèmes sont cependant jugés trop flous par Vincent Jaminon pour permettre à la QVT de réellement se développer.
Les thèmes suggérés par l’ANACT sont les suivants :
- Dialogue professionnel et dialogue social.
- Organisation, contenu et réalisation du travail.
- Santé au travail.
- Compétences et parcours professionnels.
- Egalité au travail.
- Projet d’entreprise et management.
Le rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail rédigé en 2010 à la demande du premier ministre par Lachmann, Larose et Pénicaud préconise les 10 chantiers concrets suivants :
- Implication indispensable de la direction générale et du conseil d’administration, notamment en intégrant le facteur humain et la santé des salariés dans l’évaluation de la performance.
- Repositionner le manager de proximité comme le premier acteur de santé, plutôt qu’externaliser.
- Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail, notamment en restaurant les espaces de discussion et d’autonomie dans le travail.
- Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé.
- Mesurer les conditions de santé et sécurité au travail pour permettre le développement du bien-être en entreprise, car la mesure induit le comportement.
- Préparer et former les managers au rôle de manager afin d’affirmer et concrétiser leur responsabilité vis-à-vis des équipes.
- Ne pas réduire le collectif de travail à une somme d’individu en valorisant la performance collective, accentuant la motivation et l’efficience.
- Anticiper et prendre en compte l’impact des changements.
- Ne pas limiter la santé au travail aux frontières de son organisation, car toute organisation a un impact humain sur son environnement (fournisseurs, partenaires …).
- Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes, et accompagner les salariés en difficulté.
Nous pouvons voir que ces différentes sources se rejoignent sur différents thèmes, notamment l’importance du dialogue social, le portage de la hiérarchie et la prise en compte de l’organisation et des conditions de réalisation réelles du travail. Elle ne traite en revanche pas des « à-côtés » du travail comme le fait de mettre à disposition des cours de sport etc.
Mais je ne retrouve pas la sophrologie, les canapés design, la salle de sieste, la salle de sport, les livraisons de repas ou la fontaine à chocolat. Pourquoi ?
Ces actions, qui peuvent être appréciées par certains employeurs ou travailleurs, ne sont pas des actions de QVT mais se définiraient éventuellement par des actions de bien-être et de confort. Elles ne relèvent en effet pas de la « qualité de l’environnement physique » qui s’interrogerait, en premier lieu, sur l’ergonomie du mobilier et l’adéquation entre l’environnement et le travail réel à effectuer (par exemple, en vérifiant si un espace de travail ouvert ou partagé avec de multiples bruits et passages est adapté aux travailleurs nécessitant concentration et interactions téléphoniques, ou en s’interrogeant sur l’impact des conditions de confort thermique ou de la luminosité sur le travail à réaliser étant donné que toutes ces conditions influencent les capacités cognitives des travailleurs).
Cependant, beaucoup d’entreprises et organisations publiques ont orienté leur politique QVT sur ces actions de confort. L’effet pervers est que ces actions de confort se sont substituées à une réelle réflexion sur l’organisation du travail, nécessaire à une vraie démarche de QVT. En somme, des actions de surface pour éviter de réellement développer la QVT. Parfois même, ces actions de confort et de bien-être sont venues en contrepartie d’une dégradation de la QVT (par exemple, certes on vous offre une faible reconnaissance mais on a investi pour vous mettre à disposition une salle de jeu, certes on vous fait travailler avec de fortes contraintes physiques et psychologiques sans ressources adaptées mais vous avez une salle de relaxation et une salle de sport, certes on vous demande de travailler très tôt ou très tard et cela a un impact sur votre vie familiale mais on vous fournit des paniers repas et une conciergerie …). Les acteurs de la QVT comme l’ANACT rappellent régulièrement cette différence, notamment lors d’événements comme la semaine de la QVT avec ce type d’infographies.
Pour citer Pierre Kwiatkowski et Valérie Poubelle, « à quoi sert-il d’avoir la possibilité de se détendre grâce à une salle de sport au sein de son entreprise ou des lieux de convivialité si les salariés n’ont pas la possibilité de faire le travail dans le temps imparti ou qu’ils n’ont pas l’information requise, la compétence ou la formation adéquate ? » En illustrant cette analyse critique par un exemple pratique, les auteurs concluent ainsi qu’il « ne suffit pas d’aller faire du running avec ses salariés ou prévoir d’installer un salon confortable dans l’entreprise ou organiser des afterworks, pour qu’il y ait une amélioration de la qualité de vie au travail et une augmentation de la productivité et du rendement » et ils préconisent d’adopter une vision systémique dans l’approche stratégique de l’entreprise en intégrant la QVT dans la vision et le projet d’entreprise.
C’est à cause de ces aspects que le terme de QVT a été modifié en Qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) par le législateur suite à la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Cette modification vise à rendre plus explicite la nécessité, pour les employeurs, d’interroger les conditions de travail dans toute démarche QVT/QVCT.
Tony Machado et Pascale Desrumaux, en 2019, mènent d’ailleurs une réflexion critique sur la place prise par les actions « bonheur », à forte visibilité ajoutée, au détriment des actions QVCT plus pérennes. Les acteurs du bonheur, comme par exemple les chiefs happiness officers et consorts, ont pu profiter du flou derrière la définition de la QVT et de la difficulté, pour les experts, de rendre compréhensibles et concrètes leurs démarches pour aborder certaines choses comme les aspects liés à l’aménagement des locaux, aux espaces de vie collectifs et au sentiment de bien-être recherché par les salariés et les présenter comme des démarches de QVT au détriment d’une réelle interrogation de l’organisation du travail. Plus grave, ce type d’acteur bonheur censé prendre en charge les questions de santé, RPS et QVCT « peut usurper la place de l’expert qu’il n’est pas sur ces sujets, au détriment des salariés exposés ». Les conséquences sont alors lourdes pour les salariés à risques et ce dévoiement de la politique QVCT peut accentuer leur détresse psychologique ou générer des situations problématiques.
Vincent Jaminon va dans le sens de cette analyse en identifiant que les définitions et contours imprécis de la QVT n’ont pas permis le développement de réelles démarches QVCT et en indiquant que le manque de régulation des professionnels de la prévention et de la QVCT en France (contrairement à la Belgique par exemple) a permis aux entreprises de nommer des acteurs sur le sujet, ou à des individus de se prétendre experts de la prévention, sans garantir une formation de qualité sur la thématique. De façon générale, il met en avant que le choix français s’est porté sur une réglementation par soft law, ne permettant pas d’homogénéiser l’approche de la prévention et de la QVCT car non contraignante mais seulement incitative pour les employeurs, contrairement à d’autres pays comme la Belgique qui ont pu adopter l’approche hard law plus précise et contraignante.
Ok. Par où puis-je commencer de façon concrète ?
Il est d’abord précisé que l’engagement de la hiérarchie, à ses différents niveaux, est essentiel pour porter la démarche, pouvoir agir à un niveau collectif et accueillir l’impact systémique de cette démarche sur l’organisation. Une démarche QVCT ne saurait en effet se « réduire à une transformation et/ou amélioration de la prescription, du management, du cadre et de l’environnement organisationnel ». Certains auteurs comme Henry Cléty, Emeric Kubiak et Catherine Demarey précisent par ailleurs, après avoir rappelé les propriétés des collectifs de travail, nécessaires à l’approche de la QVCT, et leur complexité, « qu’instaurer une qualité de vie au travail par la voie des collectifs de travail nécessite de réviser le management organisationnel et humain, en enrichissant ces compétences gestionnaires de compétences systémiques et relationnelles, l’engageant ainsi dans des pratiques de consultation, de médiation, d’inclusion voire d’émancipation des parties prenantes ». On comprend alors alors pourquoi, en l’absence de portage de la part de la haute hiérarchie, de nombreuses démarches QVCT se heurtent à un mur quand il s’agit d’interroger le travail réel et collectif et d’agir sur le fonctionnement systémique de l’organisation et sont, parfois, redirigées vers des actions isolées ou individualistes à faible impact sur le contenu et les conditions de travail.
Il est préconisé de réaliser une dynamique QVCT collaborative, en décloisonnant ce sujet des ressources humaines, en facilitant la prise en compte des aspects collectifs du travail et en développant le dialogue social. Comme toute démarche collaborative, le sujet traité, les finalités et modalités de mise en œuvre de la démarche doivent être clarifiés. C’est durant cette étape que sont également partagées les définitions de la QVCT afin d’éviter que les différents partenaires ne s’entendent pas, faute d’un langage commun. Mélanie Burlet, pour l’ANACT, va dans ce sens et précise que les démarches QVCT ne doivent pas être un bonus, une « cerise sur le gâteau », mais être un cadre pour favoriser l’échange transversal sur le contenu et les conditions de travail en vue de les améliorer. La démarche QVCT ne doit pas être circonscrite aux ressources humaines et fédérer les autres services d’une organisation qui ont un impact sur le fonctionnement et les conditions de travail des salariés. Elle doit également être associée aux projets de transformation et d’amélioration des performances des organisations pour leur offrir un cadre.
Un état des lieux est à réaliser pour identifier les situations à améliorer. Cet état des lieux doit porter sur le travail réel mis en œuvre par les salariés et non sur le travail prescrit. Pour ce faire, associer les travailleurs est donc une étape importante. La HAS a travaillé avec l’ANACT pour réaliser un certain nombre d’outils afin de réaliser cet état des lieux. Ils peuvent être trouvés à ce lien. D’autres outils tels que des questionnaires peuvent également exister et être complémentaires à des espaces de discussion sur le travail (focus groupes par exemple), cependant les questionnaires ne sauraient être le seul outil de mesure utilisé au risque d’avoir un diagnostic superficiel et des actions déconnectées du travail réel comme le rappelle Davy Castel.
Ensuite, l’ANACT suggère de réaliser des expérimentations pour concevoir, tester et ajuster les actions d’amélioration, les évaluer puis les déployer de façon plus large si cela s’avère pertinent. Aucune action « type » ou « clé en main » n’est sérieuse et les expérimentations sont liées à l’état des lieux effectué. Nous ajouterons de veiller à ce que le lieu d’expérimentation (site ou service) ne soit pas systématiquement le même pour éviter de générer des facteurs de RPS.
Afin de pérenniser la démarche, il s’avère enfin nécessaire d’évaluer les apports des actions menées pour la QVCT et de les valoriser.
Vincent Jaminon met en avant que l’accord national interprofessionnel sur la QVT, qui identifie comme acteurs de la QVT uniquement les dirigeants, les instances représentatives du personnel, les managers et les salariés des organismes spécialisés comme l’ANACT, tend à minimiser l’importance de certains acteurs (services de santé au travail, intervenants en prévention des risques professionnels, psychologues du travail). Une vigilance est donc à opérer sur le sujet en les associant à la démarche QVCT.
En prenant l’exemple de la démarche mise en place dans une entreprise de services numériques, Tony Machado et Pascale Desrumaux listent les étapes suivantes :
- Rédaction d’une politique par la direction pour spécifier les mandats et l’allocation de moyens à la démarche. La direction confirme également son engagement dans le développement d’un environnement de travail axé sur la santé et le bien-être.
- Création d’un pôle santé et bien-être piloté par un responsable expert sur les questions de santé au travail (psychologue du travail / ergonome). Ce pôle intègre le service de santé au travail et son équipe pluridisciplinaires (médecins, infirmiers, assistants, psychologue, ergonomie) et un chargé de mission dédié à la santé et au bien-être. Le responsable du pôle est présent au sein de l’équipe de direction des ressources humaines pour montrer l’importance donnée à ce sujet.
- Définition d’une offre de service autour de deux champs d’intervention (santé organisationnelle, santé individuelle) et de trois catégories d’action (promotion/éducation, identification des risques, intervention).
- Définition d’une stratégie de mesure et de suivi des actions engagées.
- Définition d’un plan d’action concret. Les auteurs indiquent que ce plan d’action doit être en lien avec la stratégie sur mesure et l’offre de service. Des actions complémentaires peuvent compléter l’offre mais il convient de rester vigilant au cadre pour éviter de devenir « un programme de services à la demande sur du court-terme sans stratégie ni vision ».
- Création d’un comité de suivi santé et bien-être qui regroupe les acteurs clés de la prévention tous les trimestres. Ce comité peut également intégrer des acteurs divers : service de santé au travail, RH de proximité, relations sociales, RSE, mission handicap, marque employeur, communication interne, partenaires sociaux…
- Création d’un réseau d’ambassadeurs pour donner de la visibilité interne et faire rayonner le programme. Les ambassadeurs relaient les messages, partagent leurs idées et peuvent déployer des actions sur site.
- Création d’un portail intranet dédié à la santé et au bienêtre pour faciliter la communication et créer une source unique d’information. Ce portail répertorie des articles thématiques, des possibilités de s’inscrire à des activités en ligne ou sur site, du e-learning sur la santé et la QVCT… Il se veut complémentaire aux actions de formations, accompagnements individuels ou actions de prévention et permet de s’adresser à tous les salariés sur le sujet de la QVCT avec des contenus concrets.
Les auteurs indiquent un retour sur expérience encourageant avec une meilleure information des salariés sur les sujets de santé et la facilitation des actions de communication pour répondre aux enjeux de marque employeur et d’attractivité grâce au contenu réalisé. De même, ces actions permettraient de faciliter une prise de conscience des hauts dirigeants quant à l’intérêt d’actions pour la santé et la QVCT qui iraient au-delà de la réglementation.
Nous ajouterons à ces conseils une réflexion de Pierre Kwiatskowski et Valérie Poubelle qui invitent à inscrire la QVCT dans le projet d’entreprise afin que cette dernière ne soit pas une simple valeur clamée mais puisse être incarnée par les travailleurs et leur activité.
Quelle différence faire entre une démarche QVCT et d’autres démarches (prévention, RSE …) ?
Concernant la différence entre prévention et QVCT, l’ANACT indique ceci :
- Une démarche de prévention relève d’une obligation réglementaire de maîtrise des risques professionnels et implique des spécialistes de la prévention pour prévenir les risques le plus en amont possible.
- Une démarche QVCT relève d’un engagement volontaire de l’ensemble des acteurs (RH, prévention, finances, R&D etc.) pour améliorer les conditions de travail et la performance, notamment lors des transformations organisationnelles.
Pour Davy Castel, la démarche de prévention vise à éviter la survenue de troubles psychosociaux, au risque d’individualiser les situations et de résumer la santé au travail à l’absence de trouble, tandis que la démarche de QVCT permet de considérer le développement de ressources et de considérer le travail comme un vecteur de risques et de ressources psychosociales. Elle sous-tend alors des possibilités d’agir sur ses conditions de travail pour pouvoir réaliser un travail de qualité (sous-entendu en accord avec les règles du métier et les valeurs de l’individu et reconnu de qualité par le collectif de travail) et de pouvoir continuer à se développer en contexte professionnel.
L’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à la prévention renforcée et à une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail indique que les démarches QVCT doivent aller au delà de la simple prévention des risques et d’adopter une vision large concernant les conditions de travail. C’est ainsi qu’une démarche QVCT permet la prévention primaire, selon l’accord.
Cependant cette différence ne fait pas l’unanimité et certains professionnels et chercheurs identifient, en étudiant l’évolution réglementaire, que la notion de QVT ou de QVCT s’est substitue aux notions de risques psychosociaux et de souffrance au travail pour atténuer la recherche de responsabilité des entreprises dans la souffrance des salariés. La démarche QVCT serait donc surtout une évolution idéologique et sémantique des démarches de prévention des RPS.
Si l’on met de côté cet aspect, l’ANACT précise toutefois qu’une démarche QVCT ne se substitue pas à une démarche de prévention, y compris de prévention des RPS, tant que la prévention n’est pas intégrée au fonctionnement de l’organisation. Des ponts peuvent être faits entre démarche de prévention et démarche QVCT en exploitant et pérennisant, pour cette dernière, les méthodes liées à la démarche de prévention (méthode participative, espaces d’échange sur le travail, intégration des acteurs de la prévention des RPS dans la démarche QVCT, implication du CSE ou du CST …).
Tony Machado et Pascale Desrumaux en 2019 vont dans ce sens en identifiant les deux approches comme complémentaires : « identifier à la fois les facteurs de risques associés à l’émergence des RPS dont les impacts sont négatifs sur la santé, mais aussi les facteurs de protection favorables à la QVT et constructeurs de santé grâce à leur action positive sur l’équilibre psycho-socio-organisationnel ».
Les démarches QVCT, enfin, sont valorisables dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises, comme l’indique l’accord national interprofessionnel sur la QVT.
Ainsi, décloisonnons les sujets et mettons fin au travail en silo ou à la compétition entre les projets et démarches, dans l’intérêt des travailleurs et des organisations.
Pour aller plus loin sur la thématique, nous vous invitons à lire ces références utilisées pour rédiger l’article :
- ANACT (2013). Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « Qualité de vie au travail ». https://www.anact.fr/accord-national-interprofessionnel-du-19-juin-2013-relatif-la-qualite-de-vie-au-travail
- ANACT (2017). Qualité de vie et des conditions de travail : de quoi parle-t-on ? https://www.anact.fr/la-qvct-de-quoi-parle-t
- Burlet, M. (2019, juin). La QVT à l’âge de la raison. Travail & changement, 8-9. https://www.anact.fr/qualite-de-vie-au-travail-une-idee-qui-fait-son-chemin
- Castel, D. (2022). Mettre le travail en débat. Dans A. Piermattéo, H. Cléty, S. Schoenenberger et C. Demarey (Dir.), Qualité de vie et santé au travail : théorie et pratiques (p. 85-99). Septentrion.
- Cléty, H., Kubiak, E. et Demarey, C. (2022). Faire des systèmes collectifs les leviers de la qualité de vie au travail. Dans A. Piermattéo, H. Cléty, S. Schoenenberger et C. Demarey (Dir.), Qualité de vie et santé au travail : théorie et pratiques (p. 101-123). Septentrion.
- Haute Autorité de Santé (2017). Qualité de vie au travail. https://www.has-sante.fr/jcms/c_990756/fr/qualite-de-vie-au-travail
- Jaminon, V. (2022). Qualité de vie au travail, bien-être et RPS en France et en Belgique : comparaison des notions et dispositifs réglementaires. Dans A. Piermattéo, H. Cléty, S. Schoenenberger et C. Demarey (Dir.), Qualité de vie et santé au travail : théorie et pratiques (p. 51-82). Septentrion.
- Kwiatkowski, P. et Poubelle, V. (2022). Coconstruire la qualité de vie au travail. Dans A. Piermattéo, H. Cléty, S. Schoenenberger et C. Demarey (Dir.), Qualité de vie et santé au travail : théorie et pratiques (p. 155-169). Septentrion.
- Lachmann, H., Larose, C. et Penicaud, M. (2010). Bien-être et efficacité au travail : 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail. https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/02-17_Rapport_-Bien-etre_et_efficacite_au_travail–2.pdf
- Accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à la prévention renforcée et à une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail (2020) (France). Legifrance. https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALITEXT000043561903/?idConteneur=KALICONT000047187258
- Machado, T. et Desrumaux, P. (2019). L’implantation d’un programme de santé et bien-être en France : intégration des meilleures pratiques canadiennes au sein d’une entreprise de services numériques. Dans P. Desrumaux, C. Jeoffrion et J. -L. Bernaud (Dir.), 10 études de cas en psychologie du travail et des organisations (p. 159-175). Dunod.