La motivation est souvent au cœur des discussions et articles de médias : motivation pour travailler, pour trouver un travail, pour faire ses tâches ménagères, pour aider son prochain ou pour faire une activité physique. Néanmoins, parle-t-on vraiment tous de la même chose ? De plus, comment expliquer que des actions visant à motiver les personnes (primes, feedbacks) produisent parfois un effet inverse ?
Et si on se penchait sur le concept de motivation ?
Une définition de la motivation
Tout d’abord, la motivation est définie comme ce qui nous conduit à agir, quel que soit le domaine ou l’activité à réaliser. Plus qu’une vision quantitative (être plus ou moins motivé), les chercheurs se sont intéressés à une vision qualitative.
A l’origine, une distinction a été faite entre plusieurs formes de motivation qui ne se valent pas :
- L’amotivation est l’absence de motivation. Les actions ne sont pas réalisées, la personne peut rester passive.
- La motivation extrinsèque est liée à une contrainte externe (récompense, punition, jugement d’autrui etc.), à une contrainte interne (jugement de valeur personnel, sentiment de culpabilité ou de honte etc.) ou à l’identification qui s’opère entre nous et la tâche (on trouve du sens, on comprend la valeur ajoutée de la tâche, etc.).
- La motivation intrinsèque se trouve dans la réalisation de la tâche elle-même (on trouve du plaisir, on trouve cela intéressant, etc.). Un modèle tripartite existe a été réalisé par Carbonneau, Vallerand et Lafrenière (cité par Gatti, 2023) et considère qu’une motivation intrinsèque peut être liée à la connaissance (plaisir trouvé dans l’apprentissage ou l’expérimentation de nouvelles choses), à l’accomplissement (plaisir que l’on trouve à accomplir, créer une chose ou se surpasser) ou à la stimulation (plaisir que l’on retrouve dans la sensation procurée par l’activité).
Pendant longtemps, l’accent a donc été mis sur la motivation intrinsèque : on recherchait et valorisait des personnes et des employés motivés intrinsèquement par les tâches à réaliser, quand on appliquait mal ces théories, et l’on recherchait comment motiver intrinsèquement les personnes en adaptant l’environnement quand on tentait de bien les appliquer. Toutefois, la théorie de l’autodétermination de Richard Ryan et Edward Deci a approfondi la réflexion en considérant la qualité de la motivation.
Elle distingue :
- La motivation contrôlée, qui correspond à un sentiment d’obligation (je dois réaliser la tâche) et à des motivations extrinsèques liées à des contraintes externes (reproches, promesses de primes etc.) et internes (sentiment de honte, culpabilité, sentiment d’obligation).
- La motivation autonome, qui correspond à une volonté de l’individu (je veux réaliser la tâche) et à des motivations identifiées et intrinsèques.
Quels sont les effets des différentes motivations ?
Selon Jacques Forest et ses collaborateurs, la motivation autonome est associée à des impacts positifs multiples sur le bien-être, la santé, l’implication, l’engagement et la performance des personnes.
A contrario, la motivation contrôlée renforce le stress ressenti par les personnes, augmente le risque d’épuisement professionnel, baisse l’engagement envers le travail et envers l’organisation, augmente le risque de turnover, diminue les efforts et la performance. Si le contrôle peut avoir un léger impact sur la production à court-terme, ses effets sont négatifs à long terme pour les individus et le contexte dans lequel l’individu doit agir (travail, famille …).
Compte-tenu de ces considérations, nous pouvons approfondir la réflexion en amenant à réfléchir à :
- L’échelle de temps : souhaite-t-on motiver la personne dans la durée pour une tâche ou est-ce ponctuel ?
- La qualité de l’action à accomplir : souhaite-t-on amener à réaliser un travail de qualité ou souhaite-t-on augmenter la quantité de travail réalisé à court-terme sans se soucier de la qualité ?
De façon générale, pour une action de qualité et durable, la motivation autonome est à prioriser. Si une motivation contrôlée est utilisée, la quantité d’actions peut être augmentée à court-terme mais les effets négatifs sur la personne et sur le contexte se produiront à terme.
Peut-on catégoriser les personnes selon leur type de motivation ?
Les théories de Douglas McGregor, datant des années 1960, sont enseignées dans les écoles de commerce si l’on en croit différents vlogs visionnés sur Youtube. Ce psychologue américain a en effet proposé les théories X et Y pour expliquer comment la société pouvait considérer la motivation des personnes, et l’impact que cela pouvait avoir dans les relations notamment professionnelles.
- La théorie X propose une vision assez pessimiste de l’être humain, qui ne réaliserait ses tâches que par contrainte. On est donc dans une motivation contrôlée. En résultent des pratiques de management telles que le contrôle rapproché des tâches ou un management à base de carotte et de bâton pour motiver les personnes.
- La théorie Y propose en revanche une vision optimiste et vertueuse de l’humain qui serait fondamentalement motivé par ses missions et souhaiterait innover, se développer, mettre à profit ses compétences. En résultent des pratiques de management basées sur la confiance.
Nous avons pu constater, dans les discours des diplômés de ces écoles, que ces théories étaient souvent détournées afin d’évaluer les collaborateurs et adapter le management. Il y aurait des personnes « X » et des personnes « Y », des personnes qui ne fonctionnent qu’à la motivation contrôlée et des personnes qui ne fonctionnent qu’à la motivation autonome. Triste constat pour une théorie qui tentait de faire évoluer les mœurs de l’époque (voir la réflexion de Fabrice Gatti, 2023, pour une perspective historique). L’idée générale serait plutôt de comprendre que nos présupposés sur les collaborateurs influencent notre style de management. In fine, les collaborateurs réagissent à se style de management pour s’y conformer (si on me renvoie du contrôle et de la méfiance, je ne serai pas autonome, si on me renvoie de la confiance j’essaierai d’être à la hauteur).
La réalité est plus complexe. Les différentes formes de motivation peuvent se combiner, chaque individu comporte alors une combinaison de motivation contrôlée et de motivation autonome avec des pondérations spécifiques.
De façon volontairement simplifiée, Jacques Forest et ses collaborateurs distinguent 4 prototypes de profils :
Faible motivation autonome | Forte motivation autonome | |
Faible motivation contrôlée | Les non motivés | Les désireux : je fais car je veux |
Forte motivation contrôlée | Les obligés : je fais car je dois | Les hautement motivés : je fais car je veux et car je dois |
De plus, les auteurs précisent que la motivation autonome s’exerce de façon privilégiée sur les tâches relatives au cœur de métier ou perçues comme essentielles au rôle de l’individu dans la société, tandis que la motivation contrôlée peut s’exercer sur un panel plus diversifié d’activités. Ainsi, estimer qu’on peut recruter ou rechercher des personnes « à 100% théorie Y » relève du mirage. L’objectif serait plutôt de garantir des tâches et un contexte permettant de maximiser la motivation autonome pour les individus afin d’éviter que la motivation contrôlée ne soit majoritaire.
Philippe Sarrazin et ses co-auteurs nous indiquent quant à eux, via la théorie des orientations de causalité, que les individus peuvent développer une orientation différente en fonction des interactions sociales antérieures vécues et de la satisfaction des besoins psychologiques dans le passé :
- Certains développent une orientation autonome. Ils privilégient les activités intéressantes, porteuses d’un défi ou qui permettent d’avoir un feedback informationnel. Elles sont davantage pro-actives et assument la responsabilité de leurs actes. Cette orientation est plutôt liée à l’exposition à une motivation autonome.
- Certains développent au contraire une orientation contrôlée. Ils se comportent en fonction des récompenses ou d’autres formes de contrôlées données par l’environnement (consignes, délais, émotions de honte …). Cette orientation est plutôt liée à l’exposition à une motivation contrôlée.
- Enfin, d’autres développent une orientation impersonnelle. Ils tendent à estimer que les résultats recherchés échappent à leur contrôle et dépend de la chance ou de la destinée. Le sentiment de compétence ou d’avoir un impact est faible. Les personnes sont alors davantage amotivées.
Face à ce constat, les pratiques que l’on met en œuvre afin de motiver nos interlocuteurs et le contexte dans lequel ils opèrent a une importance majeure pour qu’ils s’orientent non pas vers un comportement passif ou négatif mais vers des comportements vertueux nourris par une motivation de qualité.
Comment peut-on améliorer la qualité de la motivation ?
Vous l’aurez compris, notre propos ici n’est pas de considérer qu’il y a des personnes « autonomes » et des personnes « contrôlées ». Les effets de ces types de motivation sont similaires pour chacun, et l’on parlera plutôt de contextes qui renforcent ou diminuent les différents types de motivation.
Pour amener de la motivation autonome et diminuer progressivement la motivation contrôlée des individus, la théorie de l’autodétermination nous propose de considérer les trois besoins psychologiques fondamentaux :
- L’autonomie est définie dans cette théorie comme le fait d’être capable d’assumer ce que l’on fait. En somme, on est autonome quand on fait des choses qui correspondent à ce que l’on est ou souhaite faire et non contre notre gré.
- L’appartenance correspond au fait de se sentir lié aux autres sans considération de statut ou limité. On a un haut sentiment d’appartenance lorsque l’on peut échanger de nos difficultés, être soutenu, manifester de l’intérêt pour autrui et se faire manifester de l’intérêt, quand on a l’impression de faire partie d’un groupe.
- La compétence correspond au besoin de se sentir assez compétent pour accomplir une tâche, de pouvoir atteindre les objectifs, de réussir dans son rôle, de s’améliorer, d’être efficace …
La satisfaction de ces besoins conduit à une motivation plus autonome alors que leur frustration renvoie à une motivation plus contrôlée. En analysant ces trois facteurs, nous comprenons mieux pourquoi la motivation contrôlée génère des effets négatifs. Par exemple, si vous avez lu notre article concernant le stress professionnel, le modèle de Karasek utilise ces trois besoins psychologiques fondamentaux.
Jacques Forest et ses collaborateurs nous indiquent que ces besoins fondamentaux répondent à 7 caractéristiques :
- Ils concernent notre fonctionnement psychologique et ne remettent pas en question nos besoins physiques.
- Ils sont essentiels à notre bien-être et notre performance.
- Ils n’ont pas besoin d’être explicites, les personnes n’en ont pas forcément conscience mais leurs effets se matérialiseront chez chacun.
- Ils sont innés, même les enfants les éprouvent.
- Ils sont universels, quel que soit le type de métier, l’âge, ou la personnalité de la personne.
- Ils peuvent être satisfaits différemment par chacun. Il faut donc s’adapter à son interlocuteur. Par exemple, pour se sentir compétentes, certaines personnes ont besoin de comprendre tous les aspects d’un problème tandis que d’autres ont besoin que l’on reconnaisse la réussite de la résolution du problème.
- Les trois besoins sont d’égale importance et sont liés (par exemple, on se sent plus autonome lorsque l’on fait des actions pour lesquelles on se sent compétent). Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont systématiquement satisfaits ensemble (on peut se sentir autonome dans le choix d’une action et la réaliser avec une équipe qui nous fait ressentir un fort sentiment d’appartenance, mais douter de ses compétences pour réussir).
En plus de ces besoins fondamentaux, les buts et aspirations poursuivis dans la vie et le sentiment de les avoir atteints ont une influence. En effet, Philippe Sarrazin et ses collaborateurs indiquent que les aspirations poursuivies peuvent nourrir ou frustrer les besoins psychologiques :
- Les chercheurs nous expliquent que les aspirations satisfaisant les besoins psychologiques comme la recherche d’affiliation, de développement ou la contribution à son collectif sont corrélés positivement à des indicateurs de bien-être et négativement corrélés à l’anxiété, la dépression ou les symptômes physiques. L’atteinte de ces buts a des effets sur le bien être durant une longue période de temps.
- Une prévalence d’aspirations frustrant les besoins psychologiques car majoritairement liés à une coercition interne ou externe (s’enrichir, avoir de la renommée etc.) a des effets opposés. Le fait d’atteindre ces aspirations ne se traduit pas ou peu en bien-être.
- Des études transculturelles indiquent que ces résultats sont généralisables dans différentes cultures (par exemple, l’Allemagne ou les USA).
En pratique, que doit-on faire pour satisfaire ces besoins psychologiques ?
De façon générale, être à l’écoute des besoins de ses interlocuteurs (collaborateurs, enfants, conjoint) est essentiel. Nous l’avons vu, la satisfaction des besoins peut être différente en fonction des personnes, nous ne pourrons donc donner une to do list restrictive et se suffisant à elle-même. Mais voici un exemple de bonnes pratiques inspirées de nos différentes sources bibliographiques :
- Concevoir les tâches de façon à utiliser une diversité de compétences.
- Communiquer des attentes claires.
- Effectuer des feedbacks pour que la personne ait un retour d’information sur sa réalisation de tâche et puisse s’améliorer, rectifier les erreurs ou identifier ce qu’elle réussit.
- Favoriser l’identification à la tâche en permettant à l’individu de réaliser une action du début à la fin, en limitant la fragmentation des actions (un individu fait le début, un autre le milieu, un dernier la fin).
- Exprimer à l’individu en quoi l’action à réaliser est importante, en lui communiquant, en lui donnant accès aux retours des personnes qui bénéficient de son action ou en lui permettant de changer de perspective (cette tâche qui semble monotone et basique permet de faire fonctionner l’organisation, par exemple nettoyer un couloir d’un collège ne se résume pas à nettoyer ce couloir mais permet aux collégiens d’étudier dans de bonnes conditions sanitaires et dans un bon contexte, favorable à la réussite de leur scolarité). Bien sûr, cela n’est pas une baguette magique et cette action mérite d’être répétée et authentique.
- Laisser un pouvoir décisionnel à l’individu pour renforcer son autonomie (cela peut être en laissant un vrai choix dans les méthodes, l’ordre des étapes à réaliser etc.).
- Adapter les ressources au contexte pour limiter les facteurs de stress et favoriser l’identification de « défis » (cet objectif est ambitieux et j’ai les ressources pour y parvenir : j’y vois un défi ; cet objectif est ambitieux et je sens que je n’ai pas les ressources pour y parvenir : j’éprouve du stress professionnel).
- Se préoccuper des besoins de la personne et se montrer flexible pour s’adapter à ces besoins quand ils ne contreviennent pas au fonctionnement collectif.
- Instaurer un contexte permettant l’exercice du soutien social, notamment en instaurant un climat de sécurité psychologique (pour en savoir plus, lire l’article dédié).
- Adapter sa communication en utilisant des techniques assertives comme la communication non violente ou en adoptant une communication plus connectante (questions ouvertes, conseils informatifs, demander l’avis de l’autre etc.) que coercitive (phrase à l’impératif, reproches etc.).
- Lorsqu’il y a une pratique de reconnaissance, être juste, informatif et favoriser l’inattendu pour que la personne ne réalise pas l’action « que » pour cet acte de reconnaissance.
Nous pourrions continuer à développer mais ces actions sont un bon début pour adapter ses pratiques et améliorer la qualité de la motivation de nos interlocuteurs. Comme vu précédemment, il serait illusoire de penser qu’on peut appliquer une motivation autonome à 100% des situations. Mais favoriser ces pratiques pour satisfaire les besoins psychologiques dans la majorité des actions que l’on demandera à l’individu est un objectif plus réaliste.
Motivation ou passion ?
Pour débuter, expliquons pourquoi nous faisons cette ouverture. Beaucoup de conférenciers, pour la plupart non psychologues, utilisent certains concepts de psychologie positive comme la passion pour tenter de vendre des solutions miracles aux employeurs ou aux personnes afin de motiver ou rendre heureux les individus, et les rendre performants. Souvent, ils opposent ces concepts à d’autres concepts comme la motivation, et les sur-simplifient. Nous souhaitons donc exposer le concept de passion afin que le lecteur puisse avoir un recul critique lorsqu’il sera confronté à ces propos et puisse identifier que les concepts et théories en psychologie ne s’opposent pas mais se complètent pour faire évoluer la connaissance que nous avons du fonctionnement humain, quel que soit le courant utilisé (psychologie sociale, psychologie organisationnelle, psychologie positive …).
Nathalie Houlfort et ses co-auteurs définissent la passion comme « une forte inclinaison vers une activité que l’on aime, que l’on trouve importante et porteuse de sens, dans laquelle on investit de grandes quantités de temps et d’efforts, et par laquelle on se définit ». Le concept est donc différent de la motivation qui était uniquement ce qui nous pousse à agir.
Ils indiquent que le modèle duel de la passion répond aux mêmes paramètres que ceux présentés plus tôt dans l’article pour l’autodétermination :
- Une passion dite harmonieuse résulte du fait que les individus réalisent des activités qu’ils aiment, valorisent et dans lesquelles ils trouvent un sens. Ils les intègrent alors à leur identité. Cela se rapproche des caractéristiques de la motivation autonome.
- Une passion dite obsessive résulte du fait que l’individu agit à cause de pressions internes et/ou interpersonnelles, ou à cause d’une excitation incontrôlable retirée de l’engagement dans l’activité passionnante. Cela se rapproche des caractéristiques de la motivation contrôlée.
Les différentes formes de passion ont des effets :
- Sur les processus cognitifs, car la passion harmonieuse est corrélée positivement à la concentration et au flow (immersion profonde dans l’activité) quand la passion obsessive n’y est pas corrélée.
- Sur les émotions, car la passion harmonieuse permet aux individus de profiter pleinement de l’activité et de ressentir des affects positifs pendant et après l’activité réalisée, tout en prévenant les émotions négatives. La passion obsessive en revanche génère des émotions négatives car l’individu s’engage dans son activité de manière défensive ou appréhensive, donc ne peut en tirer une expérience concluante. Toutefois, des émotions telles que la fierté ou le sentiment de compétence peuvent résulter de la passion obsessive.
- Sur le bien-être psychologique, car la passion harmonieuse augmente le bien-être avec notamment une plus forte satisfaction professionnelle ou un plus fort engagement et prévient le mal-être, tandis que la passion obsessive est plutôt génératrice de mal-être.
- Sur la performance, car la passion harmonieuse conduit l’individu à adopter des aspirations visant l’amélioration de soi et le perfectionnement qui conduisent à des niveaux de performance élevés à long terme comme à court terme. La passion obsessive conduit en revanche à la poursuite d’aspirations adaptatives (maitriser l’environnement) ou mésadaptatives (évitement par ex), selon les auteurs, qui conduisent à des niveaux moins élevés de performance à court et long terme.
- Sur les relations sociales, car la passion harmonieuse est corrélée à des relations harmonieuse grâce aux affects positifs tirés des activités menées. La passion obsessive en revanche ne permet pas de générer des affects positifs et donc n’a pas un impact sur la qualité des relations sociales, mais peut générer un conflit entre sphère de vie professionnelle et sphère de vie privée.
Vallerand et ses co-auteurs émettent la même analyse mais indiquent également que la passion obsessive est corrélée à davantage de problèmes physiques. Cela a notamment été étudié en termes de blessures chroniques liées à une activité.
Chez chaque individu, ces 2 formes de passion cohabitent à des degrés divers. De plus, les passions évoluent (augmentent, diminuent, disparaissent, se créent, deviennent obsessives ou harmonieuses). Tout n’est donc pas figé et dépend de facteurs multiples dont certains sont liés à la satisfaction des besoins psychologiques. A titre d’exemple, Vallerand et ses co-auteurs présentent les déterminants suivants :
- Pour développer une passion, l’individu doit choisir par lui-même de pratiquer l’activité qu’il préférera à d’autres (autonomie). Il faut que l’activité ciblée ait une importance subjective pour l’individu afin qu’elle permette son intériorisation dans l’identité de la personne. L’environnement peut avoir une influence quand il soutient l’autonomie de la personne ou accorde de l’importance à l’activité donnée. En contexte professionnel, cela prendra la forme du soutien de la part de l’employeur. Enfin, les orientations de l’individu concerné peuvent avoir une influence : quelqu’un qui présente une orientation autonome développera plus aisément une passion harmonieuse quand quelqu’un qui présente une orientation contrôlée développera plus facilement une passion obsessive.
- Ensuite, nous avons vu que la passion pouvait évoluer dans le temps. Le soutien à l’autonomie facilite le maintien de la passion comme une passion harmonieuse et non obsessive. De même, les relations sociales entre pairs ou le style de leadership ont une influence, et un contexte de soutien et coopération ainsi qu’un leadership soutenant le développement des compétences et la prise d’initiative comme le leadership transformationnel mèneront à une passion harmonieuse. A l’inverse, les relations teintées de coercition et un leadership plus transactionnel amèneront à une passion obsessive. Des facteurs individuels comme les valeurs plus ou moins intrinsèques et extrinsèques des individus ont également une influence dans l’évolution des passions.
Ces différents déterminants ont pu être étudiés en contexte professionnel et en contexte scolaire.
Pour aller plus loin sur la thématique, nous vous invitons à lire ces références utilisées pour rédiger l’article :
Forest, J., Van den Broeck, A., Van Coillie, H. et Mueller, M. B. (2022). Libérer la motivation : avec la théorie de l’autodétermination. Edito.
Gatti, F. (2023). L’autruche et le curieux. Enrick B. Editions.
Houlfort, N., Vallerand, R. J., Martin-Krumm, C. (2016). La passion envers le travail : un outil positif pour les leaders. Dans J.-L. Bernaud, P. Desrumaux et D. Guédon (Dir.). Psychologie de la bientraitance professionnelle. Concepts, modèles et dispositifs (p. 85-101). Dunod.
Sarrazin, P., Pelletier, L., Deci, E. et Ryan, R. (2011). Nourrir une motivation autonome et des conséquences positives dans différents milieux de vie : les apports de la théorie de l’autodétermination. Dans C. Martin-Krumm et C. Tarquinion (Dir.). Traité de psychologie positive (p. 273-312). De Boeck
Vallerand, R. J., Gousse-Lessard, A.-S., Verner-Filion, J. (2011). La psychologie de la passion : contributions à la psychologie positive. Dans C. Martin-Krumm et C. Tarquinion (Dir.). Traité de psychologie positive (p. 345-365). De Boeck.