De quoi parle-t-on ?
Les premiers secours en santé mentale (PSSM) visent à pouvoir identifier qu’un individu souffre d’un problème de santé mentale, savoir évaluer s’il est en crise ou non puis savoir réagir dans les 2 situations.
En France, l’association PSSM France a adapté le programme australien Mental Health First Aid (MHFA), largement diffusé à l’international depuis, et propose par le biais de formateurs spécifiquement formés et accrédités de former le public en 2 jours aux PSSM adaptés pour les principaux troubles en santé mentale.
Qu’apprécie-t-on ?
Nous y trouvons plusieurs éléments intéressants :
- La volonté de diffuser une information accessible au plus large public sur les principaux troubles en santé mentale (troubles anxieux, troubles dépressifs, troubles bipolaires, troubles liés à l’usage des substances, troubles psychotiques), et la possibilité de laisser un manuel à disposition de chaque personne formée qui synthétise les connaissances apportées, des ressources ainsi que des sources bibliographiques pour creuser chaque élément.
- La diffusion de bonnes pratiques pour approcher, informer et orienter vers les professionnels adaptés la personne en situation de souffrance.
- En plus du manuel laissé après la formation, la possibilité de trouver sur le site de l’association des documents imprimables nommés « les carnets du secouriste en santé mentale » créés par MHFA et adaptés par PSSM France, dédiés à certains situations (ex : idées et intentions suicidaires) ou certaines populations (ex : adolescents).
- La volonté de participer à une déstigmatisation des troubles en santé mentale.
- Un programme basé sur un état des lieux récents des connaissances scientifiques sur le sujet.
- Un suivi par un comité scientifique à la fois par PSSM France, pour l’adaptation culturelle et la traduction des modules, et par MHFA qui pilote les différents programmes nationaux en plus de la version initiale australienne.
- Une collaboration, dans le cadre de ce projet, entre scientifiques, professionnels de la santé mentale et associations de personnes concernées (proches aidants, pairs aidants).
- La volonté de réaliser un suivi scientifique de l’impact de la formation des premiers secours en santé mentale (voir l’état des lieux réalisé par MHFA en 2023 ici concernant l’impact sur les connaissances, le sentiment d’efficacité personnelle à l’idée d’aider quelqu’un en détresse, la réduction de la stigmatisation, l’augmentation de l’empathie à l’égard des personnes souffrant de troubles et l’utilisation des compétences développées après la formation). Néanmoins, ce suivi mérite d’être amélioré (voir les conclusions d’une méta-analyse realisée pour Cochrane à ce lien concernant le manque d’étude de qualité évaluant l’impact de la formation sur la santé mentale et le bien-être, le recours aux services de santé mentale ou encore les effets délétères que pourrait avoir la formation par exemple).
- Des modules spécifiques nombreux du côté de MHFA, et qui commencent à se développer du côté de PSSM France (lors de la rédaction de l’article, en plus du module standard, un module « jeunes » est adapté en Français).
- L’association PSSM France forme, évalue puis accrédite les formateurs en premiers secours en santé mentale utilisant ses modules. En cas de faiblesse, l’accréditation peut émettre des réserves et demander à la personne de co-animer les premières sessions et/ou repasser la formation afin de garantir que le public bénéficiera d’une formation répondant aux standards de qualité de l’association.
- Les formats pédagogiques spécifiques, comme les sessions réalisées en distanciel, font l’objet d’une formation complémentaire pour les formateurs.
- Des communications et événements sont organisés par l’association afin d’entretenir le réseau de formateurs, faire connaitre les ressources nationales (ex : des articles pour présenter PSYCOM, le 3114, la maison perchée …), mettre à jour le contenu de la formation PSSM (ex : des vidéos française ont remplacé les vidéos australiennes traduites afin de faciliter l’immersion des personnes formées), et mettre à jour les connaissances des formateurs si nécessaire.
Cette formation transforme-t-elle tout le monde en psy ?
L’association et le contenu de la formation insistent régulièrement sur le fait que les personnes formées aux premiers secours en santé mentale ne se substitueront pas à un professionnel de santé.
Les informations apportées permettent de repérer un individu en situation de souffrance et d’essayer d’intervenir rapidement pour l’informer et le réorienter vers les professionnels de santé qui, eux, pourront réaliser un diagnostic et apporter l’accompagnement adéquat.
Cette clarté des rôles est importante à nos yeux, comme vous le voyez dans nos pages, et si nous pensons que chacun a un rôle à jouer vis-à-vis de sa santé mentale ou de celles des autres il est important que tout le monde resitue les compétences et la responsabilité de chacun. La formation le fait parfaitement.
Pourquoi en parle-t-on de plus en plus ?
Tout d’abord, nous ne pouvons pas ne pas parler de l’intérêt croissant du public concernant la santé mentale.
Ensuite, l’association PSSM France est régulièrement intervenue dans les média depuis les assises de la santé mentale organisées en 2021 en France et a développé sa présence sur les réseaux sociaux, notamment professionnels comme Linkedin.
Enfin, la circulaire du 23 février 2022 incite les employeurs publics à développer des actions sur la santé mentale à trois niveaux :
- Réaliser des sensibilisations sur les troubles en santé mentale.
- Former des formateurs internes en premiers secours en santé mentale.
- Organiser des formations aux premiers secours en santé mentale.
La volonté est donc de pouvoir diffuser massivement ce programme afin de déstigmatiser les troubles en santé mentale et d’augmenter la probabilité que les personnes concernées reçoivent une réponse et une orientation adaptée.
Que répondre à ceux qui craignent une individualisation du problème au détriment de la prise en compte des facteurs environnementaux ?
Pour conclure, certaines personnes ont pu, notamment sur les réseaux sociaux professionnels, craindre que la diffusion des premiers secours en santé mentale en contexte professionnel n’individualise les situations de souffrance. D’autres peuvent craindre une individualisation de la santé mentale, au sens large, au détriment des facteurs sociaux, sociétaux voire culturels.
Cette question est légitime pour les professionnels de la santé mentale, car de nombreux troubles voient leur prise en charge freinée par l’individualisation du problème à cause de nombreuses idées reçues (ex : il suffit de se motiver pour sortir de dépression, le burnout résulte de difficultés et fragilités personnelles) ou d’une volonté de ne pas modifier l’environnement (ex : préférer la culpabilisation de la personne en souffrance ne s’orientant pas vers les professionnels de santé plutôt que considérer les freins informationnels, structurels et financiers qui l’empêchent d’accéder au soin, ne pas modifier le contexte de travail qui a pu conduire à un burnout en individualisant la question qui serait liée à « un salarié fragile »).
Toutefois, le contenu de la formation insiste bien sur les idées reçues concernant la santé mentale et présente la multiplicité de facteurs pouvant déclencher ou aggraver les troubles en santé mentale, voire provoquer une crise, notamment les facteurs liés à l’environnement (culture vis-à-vis des troubles en santé mentale, idées reçues, stigmatisation, difficulté d’accès au soin, comportement de l’entourage personnel ou professionnel, comportement du secouriste en santé mentale etc.).
La formation réalisée précise que les troubles en santé mentale résultent d’une combinaison de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux.
Pour en savoir plus ?
Nous vous invitons à aller sur le site de PSSM France en cliquant ici pour tout complément d’information.