Quel est le titre du livre ? | Gatti, F. (2023). L’autruche et le curieux. Enrick B. Editions. |
Quel est le sujet du livre ? | Fabrice Gatti est diplômé en droit et en coaching. Il a occupé diverses fonctions de cadre, notamment dans le milieu du jeu vidéo et dans le milieu du sport, avant de se reconvertir en tant que consultant notamment pour favoriser l’efficience des organisations, la performance des équipes et la motivation. Il est également engagé dans différentes entreprises à missions (une visant à déployer des innovations pour lutter contre le réchauffement climatique, l’autre pour préserver la diversité et la richesse humaine notamment en promouvant une approche talent se voulant moins catégorielle que d’autres). Dans ce livre, il propose de réfléchir à un changement de paradigme au sein des organisations, au service d’une motivation de meilleure qualité et d’un épanouissement pour les collaborateurs. – Dans la première partie, l’auteur dresse un aperçu historique expliquant que le modèle qu’il nomme C4 (capitaliste, comportementaliste commandant et contrôlant), appliquant une forme de taylorisme plus ou moins masqué et des principes de conditionnement opérant, a dominé nos organisations et résisté à tout changement profond jusqu’alors malgré des courants de recherche humanistes allant dans ce sens. Il présente ensuite les signaux qui laissent à penser qu’un changement est possible (un nouvel espoir, pour faire une analogie avec Star Wars qui plaira à l’auteur). Différents concepts sont explorés dans cette partie comme l’homéostasie, les boucles de rétroaction, les types de changements dans une approche systémique des organisations ou encore les stades organisationnels conceptualisés par Frédéric Laloux pour présenter l’évolution des modèles organisationnels. Des exemples d’entreprises sont également présentés pour illustrer les arguments de l’auteur (Patagonia, Michelin, Costco…). – Dans la deuxième partie, l’auteur présente la théorie de l’autodétermination avec les concepts de motivation extrinsèque et intrinsèque ainsi que des études princeps sur ceux-ci (étude de Harlow sur les primates, étude de Ryan et Deci avec le puzzle Soma), les concepts de motivation autonome, de motivation contrôlée et de besoins psychologiques fondamentaux, les effets sur l’individu et l’organisation des différents types de motivation et l’influence des valeurs et buts poursuivis par chacun et les conséquences de ces configurations autonomes ou contrôlées sur l’individu et les organisations. L’auteur aborde également les effets paradoxaux que peuvent avoir des récompenses conditionnelles (comme les primes par exemple) ou des formes de pression mises en place par des pratiques de management plutôt coercitif pour, à la base, « motiver » les salariés. – Dans la dernière partie, l’auteur liste un certain nombre de prérequis (accepter de penser la complexité, avoir une vision positive de l’humain, avoir des connaissances élaborées de la situation) puis partage son modèle CRAFT, qu’il présente non pas comme un modèle d’intervention générique et reproductible à l’identique dans chaque organisation mais comme une série de principes directeurs pour questionner, analyser les situations et leur complexité puis intervenir. L’importance du contexte de travail (la culture organisationnelle, le style de leadership, la possibilité de développer des relations soutenantes et authentiques) ; des caractéristiques du travail (adapter le contenu du travail aux capacités et appétences des collaborateurs, favoriser l’interdépendance des services et des missions) et de la prévention des facteurs de stress (maîtriser l’équilibre entre demande psychologique du travail et ressources, avoir des temps de récupération efficients et réguliers) comme leviers pour agir sur la satisfaction des besoins autonomes, et donc la motivation autonome des équipes et ses conséquences, est développée. L’importance de l’état d’esprit (plutôt orienté vers la croissance ou plutôt fixe et orienté vers la stabilité) est également abordée. Zoom sur le modèle CRAFT : C = Compétence : Après avoir présenté quelques notions clés de la théorie sociale cognitive développée par Albert Bandura (agentivité, sentiment d’efficacité personnelle, …), l’auteur propose un certain nombre de pratiques visant à renforcer le sentiment de compétence (vivre des expériences de maîtrise de qualité, la présence de modèles sociaux dont apprendre notamment par le biais de mentorat, recevoir des encouragements adaptés à la situation réelle, la compréhension et le contrôle des facteurs de stress et réactions face au stress). Il propose enfin certains outils (co-définir des objectifs optimums, accepter de donner et recevoir du feedback informationnel de qualité, utiliser une échelle psychométrique pour évaluer le sentiment d’efficacité personnelle, vivre des défis stimulants) en rappelant qu’ils doivent servir une réelle démarche profonde appuyée sur un changement de paradigme, et non se suffire. R = Relation : D’abord, l’auteur précise que le besoin de relations renvoie à une notion de fréquence et à une notion de qualité des relations (en lien avec notamment la préoccupation pour le bien-être d’autrui). Ainsi, l’auteur distingue la solitude sociale (peu de contacts sociaux) et la solitude émotionnelle (relations peu qualitatives, même si pouvant être fréquentes). Ensuite, il présente une réflexion anthropologique sur l’universalité de ce besoin d’appartenance et son intérêt dans le développement de l’humanité avant de préciser les éléments de contexte qui peuvent nuire à notre épanouissement dans la société actuelle. Enfin, il présente diverses pratiques pouvant répondre à ce besoin d’appartenance (favoriser les contacts physiques, les moments informels et formels pour mieux connaitre nos collaborateurs et partenaires, favoriser l’acceptation de la non-conformité et le respect des idées de chacun, accepter d’être authentique et développer l’authenticité des relations dans un cadre favorisant le sentiment de sécurité psychologique). A = Autonomie : Après avoir défini l’autonomie comme le sentiment d’être à l’origine de nos actions, de pouvoir être en congruence avec elles et pouvoir les assumer entièrement, l’auteur clarifie que l’autonomie ne signifie pas égoïsme mais prise en compte de l’environnement social et sociétal. Il invite à favoriser l’intégration des valeurs, règles et attentes de l’environnement, plus que l’introjection, pour favoriser le développement authentique et sain des individus. Fabrice Gatti rappelle ensuite la différence entre un management responsabilisant et un management décisionnaire, et propose plusieurs pistes pour nourrir le besoin d’autonomie (accepter le point de vue de l’autre, nourrir l’esprit d’initiative, transcender la relation hiérarchique et partager le pouvoir, simplifier l’organisation notamment en évitant les critères ou consignes contradictoires ou les actions improductives, favoriser la prise de responsabilité des collaborateurs, accepter le droit à l’erreur, assurer une certaine cohérence pour éviter les situations de double contrainte, favoriser la participation des collaborateurs dans un cadre précis aux décisions qui les concernent, trouver le bon équilibre entre autonomie et limites en plus d’accompagner la compréhension de celles-ci, former les managers pour qu’ils adoptent des comportements favorisant l’autonomie). F = Finalité et framework : Pour ce chapitre, l’auteur nous rappelle l’importance de donner une finalité aux collaborateurs, un sens qui dépasse les intérêts personnels. En outre, il appelle à créer un framework (cadre de travail) favorisant la sécurité psychologique et invite alors à questionner le fonctionnement à plusieurs échelles : le contexte (en acceptant la complexité, en abordant un point de vue plus systémique, en établissement des principes directeurs plutôt que des procédures qui enferment, …), le leadership (en devenant prévisible car cohérent et constant, en abandonnant les jeux de pouvoir, en se montrant exemplaire, équitable et en maintenant une exigence permanente pour faire respecter le cadre de travail) et les collaborateurs (en favorisant le développement d’une conscience de soi pour chacun et en acceptant les confrontations saines et porteuses d’évolutions tout en évitant les affrontements stériles où chacun cherche à s’imposer). T = Talents : Après avoir remis en cause les approches parfois vendues aux entreprises comme celles des « hauts potentiels » qui considèrent le talent comme une caractéristique qu’on est ou a et qui est, trop souvent, évaluée subjectivement, l’auteur propose sa définition : le talent est une somme de facultés naturelles qui, en s’appuyant sur un environnement favorable, permet une performance remarquable. Il invite à observer les faits plutôt que croire en des catégorisations arbitraires (haut potentiel ou non, talentueux ou non, etc.) aux contours parfois vagues. Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur la théorie des MO.O.N. (modes opératoires naturels) développée par Yves Richez et invite à observer et conscientiser ces talents puis les entrainer pour, au niveau de l’individu, favoriser l’orientation dans un rôle qui pourra permettre à ce talent de s’exprimer, se transformer en compétence et au collaborateur de s’épanouir et, au niveau de l’entreprise, fiabiliser les recrutements, mobilités et faciliter la fidélisation des travailleurs. Il invite enfin à penser la complexité en intégrant la configuration (espace et temps favorables à l’utilisation pleine des facultés naturelles), l’utilité (comprendre les résultats additionnels justifiant l’utilisation des facultés) et le potentiel (favorable ou non et offert par l’environnement) dans nos réflexions. Ainsi, pour résumer, le talent résulte d’une conjonction de facultés naturelles, d’une configuration, d’une utilité et d’un potentiel. |
Qu’a-t-on particulièrement aimé ? | Le livre répond aux différents critères que nous estimons nécessaires pour parler d’un livre de référence : – Le sujet est bien traité et propose une première approche pratique de la théorie de l’autodétermination appliquée en contexte professionnel. – Le propos est très accessible. – Les sources bibliographiques sont régulièrement citées en bas de pages et une bibliographie est également présente en fin de livre. Outre ces points nécessaires, nous avons apprécié retrouver des sources de différentes disciplines (psychologie, sociologie, économie, anthropologie philosophie par exemple), toutes s’articulant de façon cohérente au service d’une approche transdisciplinaire. De même, le ton utilisé dans le livre, s’il peut parfois dérouter (les scènes imaginaires en italiques mettant en scène la réception qui pourrait être celle de l’auteur par des professionnels de soin suite à ses propos), peut également rendre le propos plus digeste pour des personnes n’étant pas psychologues ou sociologues avec des exemples réguliers d’entreprises ou des anecdotes d’intervention et de vie professionnelle de l’auteur, rendant les propos issus des recherches scientifiques plus incarnés. Enfin, nous souhaitons valoriser le travail et l’honnêteté intellectuelle de Fabrice Gatti qui a fait une réelle recherche documentaire, cite scrupuleusement ses sources, ne prétend pas réinventer la roue en tenant des propos du type « je suis un précurseur dans le domaine de la motivation et découvre pour l’humanité que l’autonomie et les sentiments d’appartenance et de compétence sont importants en 2023 » contrairement à un certain nombre de personnes s’intéressant commercialement à la motivation depuis l’actualité post COVID-19 et étant soit malhonnêtes, soit ignorantes des connaissances déjà présentes sur le sujet depuis plusieurs dizaines d’années. |
Considère-t-on qu’il puisse s’agir d’un livre de référence sur sa thématique ? | Oui. |
Sinon, pourquoi ? | / |
A quel public le conseillerions-nous ? | Les étudiants et enseignants en psychologie, les psychologues notamment les psychologues du travail ou les psychologues cliniciens accompagnant un public en souffrance au travail. Les étudiants et enseignants de cursus RH généralistes amenés à former des directeurs des ressources humaines ou responsables des ressources humaines par exemple. Les directeurs généraux, directeurs, professionnels des ressources humaines, conseillers en organisation, formateurs en management ou consultants amenés à avoir un impact ou agir directement sur les cultures et pratiques organisationnelles. Toute personne intéressée par la thématique. |