Quel est le titre du livre ? | Moukheiber, A. (2024). Neuromania. Le vrai du faux sur votre cerveau. Allary Editions. |
Quel est le sujet du livre ? | Albert Moukheiber est docteur en neurosciences et psychologue clinicien. En outre, il donne des cours à l’université, anime des conférences scientifiques et a désormais publié plusieurs ouvrages concernant les neurosciences. Dans ce deuxième livre, il souhaite particulièrement revenir sur ce qu’il appelle une neuromania, à savoir la tendance à vouloir tout expliquer par le prisme des neurosciences et du fonctionnement du cerveau, au détriment des réelles connaissances et limites de nos connaissances sur le sujet et d’autres variables explicatives pourtant pertinentes. Pour ce faire, l’auteur propose une première partie historique pour mieux comprendre la tendance à aller vers cette vision réductionniste. C’est dans cette partie qu’il revient notamment sur la phrénologie, les débats entre les localistes et les distributistes (considérer que chaque fonction se situe dans une zone cérébrale précise, ou alors qu’elle est distribuée dans plusieurs zones cérébrales) ainsi que le contexte d’émergence de plusieurs théories comme celle des deux cerveaux ou celle des trois cerveaux. Dans les parties suivantes, il aborde l’utilisation et le détournement des neurosciences dans différents domaines dont le développement personnel, la santé, la performance ou encore différents sujets politiques comme les choix électoraux, la lutte contre les fake news ou l’évolution des comportements écologiques. Ces chapitres permettent de comprendre comment les neurosciences sont invoquées, mais également le problème dans leur utilisation dans ces contextes au détriment d’autres explications plus pertinentes ou complémentaires. L’auteur en profite pour debunker certains mythes, préciser différentes notions entrées dans le langage courant et dans une sorte de marché des neurosciences (formations, stage de renforcement, coaching etc.) comme neuroplasticité ou biais cognitif, et rappeler les limites de nos connaissances ou des protocoles et outils de recherche utilisés. Pour finir, des idées importantes se dégagent du livre : la limite de nos connaissances concernant le fonctionnement du cerveau, la nécessaire acceptation de la complexité, la différence entre une information descriptive (comme par exemple une corrélation entre une activité importante d’une zone cérébrale et une situation donnée) et une information explicative (qui serait une causalité entre un fait A et un fait B) et, enfin, l’idée de cognition incarnée. Nous ne nous limitons pas à notre cerveau et son fonctionnement ne peut pas expliquer nos comportements à lui seul. Une multitude de variables est à prendre en compte, et c’est en s’ouvrant à cette multitude de variables que nous pouvons identifier les leviers ayant le plus de chances de changer nos comportements ou d’améliorer la société. Citons une partie de la conclusion de l’auteur pour résumer ce message clé : « Il faut surtout se demander si la question posée est traitée au bon niveau explicatif. Parfois le cerveau, sa chimie, apporte le bon éclairage. Parfois il faut prendre le temps de comprendre la subjectivité et le parcours singulier de la personne. Dans d’autres cas, une approche par le contexte, une lecture systémique est plus pertinente. Parfois encore, il faut observer les interactions entre ces différents niveaux pour comprendre les réseaux d’influences diverses en jeu. Enfin, il est important d’accepter les limites de notre connaissance actuelle pour se focaliser sur ce que l’on sait et les paramètres sur lesquels nous avons le pouvoir d’agir ». |
Qu’a-t-on particulièrement aimé ? | Le livre répond à nos différents critères pour être considéré comme un livre de référence : – Il traite bien de son sujet et offre une première approche satisfaisante. – Le langage est accessible. Nous irons même plus loin, il s’agit d’un de ces rares auteurs qui parvient à vulgariser sans trahir la complexité de la connaissance initiale. Nous avons vu lors d’une interview d’Albert Moukheiber qu’il s’agissait d’un point sur lequel il était particulièrement vigilant, et exigeant vis-à-vis des vulgarisations en général. Bravo ! – Les arguments sont sourcés. Il existe d’ailleurs deux types de sources. Au fil des chapitres, des numéros renvoient à des notes offrant un commentaire complémentaire ou une source bibliographique. En complément, une bibliographie est proposée par l’auteur, avec des livres plus ou moins techniques et plus ou moins accessibles afin de creuser davantage le sujet. Nous apprécions cette démarche. De plus, nous pensons ce livre d’intérêt public dans une époque où les neurosciences sont invoquées sur chaque sujet (management, alimentation, complément alimentaires, traitement médicaux, préférences électorales, vaccination, développement de conduites écologiques, choix de consommation, amélioration de la performance au travail, développement et amélioration des relations sociales et amoureuses, etc.) comme une explication simple et, parfois, porteuse de solutions magiques. Cette dérive se retrouve dans les journaux télévisés, magazines généralistes, magazines pseudo spécialisés sur les neurosciences, formations initiales, formations continues d’organismes reconnus ou formations plus opaques, conférences d’entreprises ou d’organisations publiques, blogs, posts sur les réseaux sociaux etc. Nous avions déjà pu relayer certains chercheurs souhaitant debunker le détournement des connaissances scientifiques comme lorsque nous avions partagé une conférence d’Albert Moukheiber, déjà, ou un ted talk de Molly Crocket. Nous valorisons donc aujourd’hui la publication de ce livre et espérons qu’il rencontrera un certain succès afin de contrebalancer l’omniprésence de cette neuromania. |
Considère-t-on qu’il puisse s’agir d’un livre de référence sur sa thématique ? | Oui. |
Sinon, pourquoi ? | / |
A quel public le conseillerions-nous ? | Etudiants en psychologie et en neurosciences, chercheurs et enseignants. Psychologues et toute personne amenée à intervenir sur l’un des domaines abordés (notamment la politique, la santé, la santé mentale, ou encore le management), pour limiter le recours non constructif aux neurosciences ou à des connaissances erronées car sur-simplifiées ou détournées, et envisager davantage de marges de manœuvres sur ces sujets en prenant en compte l’environnement et l’idée que notre cognition est incarnée. Tout lecteur intéressé, pour développer un esprit critique sur le sujet. |